Skip to main content
  • Ré-Ouverture du musée le 01 mai 2024

Le champ de bataille du Linge


Le Champ de bataille du Linge, terre de sacrifices et de mémoire

Avant 1914, nous sommes ici en Allemagne puisque l’Alsace et une partie de la Moselle constituent le Reischland Elsass-Lothringe, depuis 1871. Point de passage d’une crête secondaire sans histoire, le Linge est un lieu de promenade parmi d’autres, fait de forêt dense et de sentiers, sans aucune construction.


1914-1915 
La Transformation du Linge en Bastion

Un point de défense allemand majeur

À l’été 1914, après la déclaration de guerre, personne ne prête vraiment attention à ce lieu que rien ne prédestine à son futur proche et qui est à peine occupé temporairement et de façon successive par quelques soldats de chaque camp.

C’est à l’automne 1914, après le repli des troupes françaises, que le commandement allemand qui tient cette crête entreprend de l’aménager en un point de défense majeur. Alors qu’en d’autres lieux proches la bataille fait déjà rage (Tête des Faux, Metzeral, Reischakerkopf, etc), un hiver particulièrement long et rude retarde le plan français d’attaque de cette position.  Ce qui permet aux troupes et sapeurs allemands de continuer à en renforcer la structure, en prenant bien soin de conserver au maximum le masque naturel de la forêt contre toute vélléité de repérage.

Ainsi, quand l’assaut est enfin lancé par l’Etat-Major français sous le soleil de plomb du mois de juillet 1915, les Chasseurs français vont découvrir toute l’étendue d’une position inexpugnable à peine égratignée par une artillerie lourde française en limite de portée.


1916-1918 
Le Linge après les assauts

Lignes figées et lutte contre les éléments

Les terribles combats de l’été ont cessé avec l’arrivée de l’hiver et ont laissé derrière eux un champ de bataille profondément mutilé, labouré par des échanges d’artillerie de tous calibres.

Ils ont aussi éliminé un nombre considérable de soldats de chaque côté, qu’ils soient blessés, morts ou disparus jamais retrouvés, enfouis ou pulvérisés par la mitraille et les explosions.

Craignant une nouvelle attaque d’envergure, l’Etat Major allemand va remanier le champ de bataille à la lumière de ses faiblesses avérées en revoyant assez profondément son organisation et en renforçant encore la position. Puis, la doctrine de combat changeant va encore amener son lot d’aménagement ou abandon de positions.

Mais alors que les combats se déplacent sur d’autres sites sans perdre en intensité, ils ne reprendront plus ici que sous la forme de coups de mains sporadiques et d’échanges d’artillerie d’importances variables mais réguliers, le Commandement français considérant alors ce lieu comme un secteur de moindre importance.

Les soldats qui seront en position seront malgré tout en permanence sous la menace du fusil, de la grenade et de l’artillerie d’en face, de jour comme de nuit, alors qu’ils luttent tous contre les éléments, le froid, la pluie, la chaleur dans un inconfort certes moindre du côté des défenseurs.


De l’oubli à la lumière

Novembre 1918, l’Armistice sonne la fin de cette terrible guerre dans laquelle des millions d’hommes auront perdu la vie et énormément d’autres auront perdu qui la raison, qui un membre ou auront été défigurés (les gueules cassées). Le Champ de Bataille du Linge, témoin de combats acharnés, reste dévasté et meurtri.

Les traces effacées par l’oubli

Souhaitant tourner cette page sanglante et la renvoyer à l’Histoire, la France voudra très vite faire disparaître la plus grande partie des traces de ces combats, ne classant site historique que la crête du Linge (1921), l’Hartmannswillerkopf et la Tête des Faux, alors que de nombreux autres sites seront tout simplement abandonnés avec leurs nombreux vestiges (Hilsenfirst, Reischacker, Violu, …).

Déminage, nettoyage, comblement des tranchées, reboisement vont tenter de redonner à ces terrains abreuvés de sang une allure plus naturelle dans les années après guerre.

Le sommeil du Linge

Ainsi, petit à petit, à partir de 1919, le Linge s’endormira, tombera dans l’oubli. La nature reprendra ses droits et les vestiges seront peu à peu recouverts pour presque disparaître totalement à l’ombre de la frondaison. Cependant, la mémoire des combattants n’a jamais été oubliée, commémorée par la cérémonie annuelle du mois d’août à la nécropole nationale du Wettstein.

48 ans d’oubli

Triste destin que celui d’une terre qui aura vu se déchaîner la pire des violences pendant 3 mois en s’abreuvant du sang de tant de soldats pour tomber ensuite sous la chape de plomb de l’oubli et que même la 2e guerre mondiale évitera.

Triste destin que celui de cette terre à qui on refusera le souvenir des nombreux soldats français et allemands dont les restes reposent encore en son sein et dont certains camarades rescapés tentent de retrouver trace lors d’un pèlerinage sur ce site.

Triste destin que celui de cette terre tout juste bonne à accueillir les ordures, dépôts sauvages et huiles de vidange des habitants du voisinage bien peu reconnaissants de ce sacrifice… 

L’éveil des consciences

48 ans !

48 ans auront passé depuis la fin du conflit, laissant le sang sécher et la mémoire s’éclipser dans l’oubli et l’anonymat le plus total.

48 ans avant que le hasard (ou le destin ? ) ne réunisse sur cette terre un vétéran français de ces combats, brisé par l’oubli dans lequel sont tombés ses camarades et un historien colmarien toujours prêt à combattre l’injustice.

La renaissance du souvenir

48 ans avant que les consciences s’éveillent enfin après cette rencontre fortuite, nous sommes en 1967.

1968, un printemps historique se prépare qui verra naître de profonds changements dans la société. Mais ce printemps va dans un tout autre domaine voir la renaissance presque miraculeuse de ce site historique qui va prendre une revanche sur l’oubli en devenant petit à petit un témoin majeur de cette histoire méconnue des combats des Vosges alors que s’annonce le cinquantenaire de la fin de cette tragique “der des der”.

Il faudra le courage et la pugnacité d’une bande de copains qui va se donner pour mission de redonner à ce lieu et à ces valeureux combattants tout l’honneur et toute la reconnaissance qu’ils méritent malgré la réticence des autorités

Bientôt rejoints par l’Armée et des dizaines de bras volontaires, ils vont nettoyer, débroussailler, couper des arbres, dégager des tranchées quasi invisibles, découvrir des quantités impressionnantes de matériel et de munitions, retrouver les restes de soldats à qui les honneurs seront enfin rendus dans la solennité et pour certains en présence de leur famille … 50 ans plus tard.

Ces précurseurs nous ont aujourd’hui presque tous quittés, mais ils ont transmis le flambeau qui depuis plus de 50 ans maintenant anime une association de bénévoles qui année après année, fait vivre ce site à travers l’engagement salutaire de nouveaux membres.

Un musée-mémorial pour l’éternité

Regroupant d’abord quelques souvenirs dans une cabane en bois, l’association construira un petit musée-mémorial qu’elle a su faire vivre puis agrandir au fur et à mesure pour développer sa mission de transmission de la mémoire vers les plus jeunes en expliquant aujourd’hui dans le détail pourquoi et comment se sont déroulés ces combats et leurs conséquences à tous niveaux.

Une lumière qui perdure

Plus de cent ans ont maintenant passé… les témoins direct nous ont quitté depuis bien longtemps, mais le site et le musée sont maintenant en pleine lumière, connus et reconnus. Ils vont doucement passer de la transmission de la Mémoire à l’explication de l’Histoire à travers une exposition toujours renouvelée et enrichie de nouveaux moyens afin que cette lumière ne s’éteigne pas !


Le champ de bataille du Linge de nos jours

Le champ de bataille que vous parcourez aujourd’hui est le témoin vivant de cette page d’Histoire qui s’est déroulée ici pendant presque 4 ans. Mais ce témoin, s’il est prenant et extrêmement démonstratif quant à l’extrême difficulté pour les attaquants d’investir le lieu, n’est qu’un petit reste de ce champ de bataille qui s’étendait sur 2300 mètres, entre l’éperon Nord de la crête du Linge et le Baerenkopf au Sud, en passant par le Schratzmaenelle.

En effet, après la Grande Guerre, décision fut prise de rendre à l’exploitation et la vie civile la plus grande partie de ce Champ de bataille, ne conservant que la crête du Linge (Lingekopf) qui sera classée.

D’autre part, l’organisation et le tracé des défenses allemandes ont été profondément remaniés à la suite et à la lumière des terribles combats de l’été 1915 pour renforcer les points faibles puis ensuite s’adapter aux nouvelles doctrines d’emploi du site.

Vous cheminez donc aujourd’hui dans ce champ de bataille dans son état “fin de guerre” et certains endroits, en ne reflétant plus la réalité des combats d’alors, peuvent vous paraître incroyablement proches et en tout cas beaucoup plus qu’ils ne l’étaient effectivement en 1915.