Créé en 1915, par l’armée française, pendant les combats sur le lieu d’un camp de base proche des combats et en retrait de la ligne de front, cet endroit est utilisé essentiellement comme un cimetière provisoire. Dès l’origine, les soldats bénéficient de tombes individuelles portant une croix de bois. Lorsqu’en 1915 la bataille faisait rage sur ces sommets, les tombes bientôt se pressèrent nombreuses au col du Wettstein. Dans un geste pieux, le lieutenant BOISSON du 11ème BCA, avisant deux troncs de sapins couchés par un obus, les fit assembler en une croix qu’il planta parmi les tombes, les consolidant à la base par une pyramide de pierres. Après la guerre, ce cimetière est maintenu sur place. De 1919 à 1926, puis de 1932 à 1933, il devient cimetière de regroupement pour les corps exhumés du champ de bataille et des cimetières militaires provisoires ou groupements de tombes ou tombes isolées, éparpillées dans le secteur, ainsi que des cimetières civils de Stosswhir, Soultzeren, Muhlbach, Hohrod, Trois Epis et Orbey.
Il était également prévu que ce cimetière accueille les dépouilles des soldats inhumés au Cimetière Duchesne situé au pied de la Tête des Faux. Aussi, le service de l’Etat civil français procède à son agrandissement et il devient Nécropole nationale.
Cette croix, « la Croix du Linge », se dressait encore en 1938. Mais tant de durs hivers en ont eu raison. Rongée par les intempéries, elle a cédé et a finit par se désagréger, comme les fragiles dépouilles sur lesquelles elle veillait.
Les Diables bleus de Colmar, gardiens des traditions, se devaient de la relever. Ils ont senti impérieusement que dans ce cimetière, qui de tout temps fut appelé « le Cimetière des Chasseurs », c’était à eux, anciens Chasseurs, qu’incombait ce devoir.
Il fut décidé d’ériger sur l’emplacement même de l’ancienne croix de troncs d’arbre, une grande croix en granit des Vosges, avec un alpin gisant, en bronze. Les frais seraient couverts par voie de souscription publique.
Dès que connu, ce projet a reçu l’appui sans réserve des chefs éminents qui ont commandé au Linge dans l’horrible tourmente, celui de la Fédération Nationale des Anciens Chasseurs, de l’Union Nationale des Combattants, des Diables bleus d’Orbey ainsi que de la population qui a voué aux morts du Linge un culte particulier.
La croix de bois originelle est remplacée en 1939 par le monument commémoratif actuel, œuvre de Joseph Franzetti. Pour l’érection de cette croix, le comité se heurta cependant à de nombreuses réticences, un tel projet emportant difficilement l’approbation des autorités. La pose de la première pierre symbolique, le 4 mars 1939, se fait en absence de toute autorisation officielle. Son inauguration se fit à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le 13 août 1939, en présence du Ministre des Anciens Combattants.
Une réfection totale du site est entreprise en 1961 et les deux ossuaires sont créés en 1968, date à laquelle un nouveau mât est posé. Ce cimetière est vivant, il accueille régulièrement les dépouilles des soldats exhumés sur le champ de bataille au fil du temps, notamment en 1969, quand leurs restes mortels furent déposés dans l’ossuaire n°2. L’une de ces ré-inhumation donne lieu en 1970 à une cérémonie. Tout récemment en 2015, la croix a fait l’objet de travaux de rénovation par la mairie d’Orbey.
Tous les ans, depuis 1922, se tient la cérémonie du Souvenir, le deuxième dimanche du mois d’août avec la messe du souvenir, organisée par les anciens « Diables Bleus » et la commune d’Orbey. Elle est usuellement nommée « fête du Linge ». Le faste de la commémoration lors de l’inauguration de la Croix en 1939 est particulièrement marquant dans la mémoire collective. En 1962, les maires de Colmar Joseph Rey et d’Orbey René Schuster ainsi que les colonels Manz de Memmingen et Engelke de Fribourg ont pris l’initiative de cérémonies commémoratives le même jour. C’est en 1990 que le dernier vétéran de la bataille du linge, M. Léon Demange participe à cette commémoration. Ces journées du souvenir sur les hauteurs du Linge se déroulent autour de deux temps forts au cimetière du Wettstein et au cimetière de Hohrod-Bärenstall. Elles sont ponctuées d’un temps d’hommage avec musique, levée de drapeaux et pose de gerbe, d’une cérémonie religieuse, qui se déroule régulièrement en allemand et en français, soulignant le rapprochement opéré.
CIMETIERE MILITAIRE ALLEMAND DE HOHROD-BAERENSTALL
Une partie seulement de ces soldats morts au Linge sont inhumés dans le cimetière du Bärenstall pour les Allemands.
Dominant toute la Vallée d’Orbey, le cimetière allemand du Linge est localisé au lieu–dit du Bärenstall, un carrefour le long de la route des crêtes, après le collet du Linge en direction de Labaroche.
Sous son couvert forestier, il regroupe les sépultures de 2 460 soldats allemands tombés à la Tête des Faux et au Linge et porte aujourd’hui le nom de Hohrod-Bärenstall. Parmi les 1518 victimes inhumées dans des tombes individuelles comportant une croix en fonte, 40 sont inconnues. Six tombes sont de confession juive et sont surmontées d’une stèle funéraire en pierre naturelle au lieu d’une croix. Il comporte également un ossuaire monumental encadré de deux colonnes massives en blocs de poudingue où reposent 942 morts dont 516 inconnus.
Réparties sur un plan géométrique, les sépultures s’y répartissent en quatre sections séparées par des allées parallèles. Seul son paysage arboré reflète l’esprit germanique. Devant son entrée, on peut remarquer un blockhaus datant probablement de 1917 et non loin de là, un monument commémoratif bavarois.
Ce cimetière allemand est créé en 1916 par les troupes bavaroises qui y élèvent un mémorial de forme pyramidale en l’honneur de leurs camarades. Aujourd’hui, ce bien est séparé du cimetière par la route construite en 1937. Le cimetière lui-même était initialement situé au pied même du Schratzmännele, en face de son emplacement actuel, à l’endroit où se trouve le monument en forme pyramidale. C’est après la guerre que le cimetière militaire allemand de Hohrodberg-Bärenstall est déplacé et recréé par les autorités françaises. Son ouverture était liée à la présence d’un hôpital de campagne, formation sanitaire de triage. Les premiers soins apportés, les soldats blessés étaient évacués vers les hôpitaux de l’arrière à Munster, Colmar et Strasbourg, notamment par wagon. La plupart des victimes qui y reposent sont originaires de Bavière mais aussi du Bade-Wurtemberg, de Hanovre, de Frise, du Brunswick et de la Rhénanie. Il est beaucoup plus grand que le cimetière primitif car y sont regroupés tous les cimetières provisoires allemands du secteur ainsi que ceux de la Tête des Faux (Kham, Duchesne, Rabenbühl…). En 1922, il compte 600 tombes, pour la plupart de soldats inconnus. En 1926, on dénombre 1484 soldats connus, reposant en tombe individuelle et 923 soldats inconnus enterrés dans l’ossuaire. Un an plus tard, seulement, en 1927, le nombre de soldats disposant d’une tombe individuelle s’élève à 1652. En 1928, on y transfère les soldats inhumés à Munster, au Bonhomme, à Ammerschwihr…
Son aménagement se poursuit : en 1925, une clôture est réalisée. Le VDK réaménage le site à partir de 1928 : construction de murs de pierre à l’arrière du site et à l’entrée, réaménagement de l’ossuaire orné de deux piliers d’angle surmontés de croix et sur lesquels seront apposés des plaques portant les noms de soldats. Devant les bouleversements du paysage liés à la guerre, le VDK décide qu’à l’avenir la forêt entourera le cimetière et planifie un programme de plantations in situ d’arbres, d’arbustes, de plantes herbacées et de fleurs sauvages, arbres, herbe. L’année 1929 est consacrée à la plantation de 300 pins de montagne issus de Bavière. Cependant le mauvais état du sol rend difficile la pousse des végétaux. Le cimetière est bien entretenu, alors que les intempéries obligent à refaire fréquemment les inscriptions blanches figurant sur les croix en bois ornant les tombes. Après la Seconde Guerre mondiale, la jeunesse bavaroise s’implique dans son entretien. En 1958, un groupe de jeunes gens, venus du Sud du Bade-Wurtemberg, rénovent les croix, plantent de bruyères, faisant de ce cimetière le premier camp inaugurant cette politique. En 1959, le succès de ce camp de jeunesse pousse l’organisation à étendre son recrutement à l’ensemble du Bade-Wurtemberg et des jeunes Français les rejoignent. Suite à la convention conclue entre la France et l’Allemagne du 19 juillet 1966, la pérennisation de ce camp de jeunesse a permis la création du « Cercle des amis des participants au camp de Hohrod », un symbole de réconciliation entre les deux pays. Cette démarche illustre la volonté de réconciliation porté par le VDK à travers son slogan de « Réconciliation par-dessus les tombes ».
À l'emplacement du cimetière Duchesne était établi le camp arrière français. Le cimetière regroupe les tombes de 408 soldats français dont 116 sont regroupés dans un ossuaire. Il a été créé en 1924. Ces tombes sont accompagnées d'un monument commémoratif dédié à "Mes frères d'armes pour la Patrie. Le 14e BCA - juin 1915" et "Au commandant J. Duchesne, chef de bataillon 215e, mort pour la Patrie le 2 XII 14 à l'assaut de Grimaude". Le commandant Duchesne a été tué lors du premier assaut français sur la Tête des Faux qui permit la prise du sommet début décembre 1914. Depuis cet assaut, les Chasseurs français sont restés maîtres de 95 % du sommet pour le restant de la guerre. Le cimetière, tout comme le sommet de la Tête des Faux, est classé monument historique depuis 1921.
Vers un classement au patrimoine Mondial de l’UNESCO ?
Le 30 Janvier 2017, l’association « Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre » a officiellement déposé auprès du Comité de l’UNESCO, le dossier de candidature présenté par la Belgique et la France, des «sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale – front ouest ». Si sa Valeur Universelle Exceptionnelle est reconnue par l’UNESCO, le bien dans toutes ses composantes pourrait bénéficier d’une inscription au patrimoine mondial de l’humanité,
Ces « sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale – front ouest » sont présentés dans la candidature comme les premiers sites témoignant du traitement individuel de la mort de tous les combattants, de leur indentification et de leur commémoration sans distinction.
Cette candidature revêt une réelle dimension sociétale et mondiale par la présence sur les 139 sites qui composent ce bien (96 en France, 27 en Flandre et 16 en Wallonie) des dépouilles et noms de soldats venus du monde entier.
Le bien regroupe des nécropoles, des cimetières et mémoriaux de toutes nationalités, des plus modestes aux plus connus. Les cimetières militaires du Wettstein, du Baerenstall et du Carrefour Duschesne en font naturellement partie.